PORTRAIT DE MOTARDE - ALYSON AIGRAIN

12.06.2023

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Crédits Photo : @talons_et_guidon_bikegirl

Alyson Aigrain ou "la moto : une passion du circuit à la plume" | Portraits de Motardes

Passionnée de moto, de sensations fortes et d’écriture, Alyson Aigrain partage ce qui l’anime sur son blog « Talons et Guidon » depuis bientôt 9 ans maintenant. De ses débuts remplis de craintes et d’incertitudes dans ce milieu peu représenté par les femmes, jusqu’à aujourd’hui, femme entrepreneuse aux multiples casquettes, Alyson nous raconte son parcours.

1/ Comment est-ce que vous avez commencé la moto ? Quelle était votre source de motivation ?

J'avais à peu près 16 ans, et j'avais un petit ami qui avait un Z 750 qui m'a emmené faire mes premiers tours de passagère. C'était aux abords des 17 tournants en région parisienne, comme le nom l’indique, il y a 17 virages qui s'enchaînent et à la fin, un bar où tous les motards se retrouvent pour boire un verre. Très vite, ce sont les virages qui m'ont plu, c'est de là que j'ai voulu passer le permis moto puis faire du circuit. Mais j'ai aussi aimé m'asseoir à ce bar, voir tout le monde regarder et faire le tour des motos qui arrivaient, se parler très facilement... Moi, j’ai grandi en tant que fille unique avec ma maman, et c'est vrai que c’est cette grande famille, ce partage et cette solidarité qui m’a conquise.

2/ Qu'est-ce que la moto vous a apporté depuis que vous avez commencé jusqu'à aujourd'hui ?

De me développer en caractère, quand on est une femme, justement seule dans ce milieu-là, ça peut être très dur de se confronter aux avis de gens qui ont grandi là-dedans. Lorsque j'ai créé mon blog, j'avais un an de permis moto derrière moi, je n’y connaissais rien, il a donc fallu très vite trouver ma place, m'affirmer. Ça m'a apporté de me mettre des objectifs et des combats dans la vie. J'ai mis en place des journées féminines avec la FFM, des partenariats avec des marques pour avoir des prix réduits et plus de choix, développer de nouveaux équipements féminins. J'ai fait partie des femmes qui ont vu avec de grandes marques moto pour qu'il y ait moins de rose sur leur collection notamment… ça m'a appris à travailler ma patience, à me forger un caractère plus solide, à être empathique et à la fois d'être plus sûre de moi. Au-delà du partage, des sensations … qui sont pour moi des choses de base quand on fait de la moto.

3/ Ça fait plus de 9 ans que vous avez créé votre blog « Talons et Guidon », comment vous ai venue l'idée de créer ce blog et quelles étaient vos motivations derrière ce projet ?

En fait, quand j’ai commencé ma passion, je n’avais personne pas grand monde à qui poser mes questions. Je me suis tournée vers ce qui existait en termes d'articles, très souvent rédigés avec un jargon de journaliste où je ne comprenais rien. L’un de mes premiers articles qui a cartonné, ça a été d’expliquer, comment prendre un « Pass Circuit » sur le site de la Fédération Française de Motocyclistes, qui est l’assurance responsabilité minimum civile. Plein de gens ne savaient pas comment on souscrivait à ça, à une journée sur circuit, s’il fallait aller sur le site du circuit ou de l’organisateur… Des sujets très basiques, mais pas vraiment traités à l'époque, du moins, à ma connaissance.

Je me suis aussi dit, que ça manquait d’événements, de visages afin de réunir des femmes sous un « emblème », parler de ce qu'on fait, du fait qu’on est de plus en plus, les marques diront qu’il n’y a pas de budget pour faire des équipements féminins. Je n’avais pas forcément les connaissances, mais j'avais les outils, le savoir-faire pour faire entendre ma voix, nos voix, à nous les femmes. Aujourd'hui, je suis plus dans la mixité et le fait que mes sujets peuvent parler à des femmes, des débutants comme des pilotes. Je suis juste une motarde qui parle et réunit des femmes autour de la moto. Petit à petit, j'ai commencé à avoir des propositions d'essais, de partenariats, de tests produits ... Et aujourd'hui, j'ai la chance d'être petite journaliste débutante depuis 2 ans et de pouvoir prendre la parole dans des rubriques comme MotoHeroes, la chaîne Lestream ou encore Motoservice.com.

4/ Vous êtes motarde, bloggeuse, auteur… Comment arrivez-vous à allier toutes ces casquettes dans votre quotidien ? A quoi ressemble une journée dans votre peau ? 

J'ai une vie de passionnée et je suis très heureuse. Pour cela, j'ai tout plaqué il y a 2 ans. J'étais dans l'automobile et gagnais 10 fois plus, mais sans aucun regret. Une journée comme aujourd'hui où je prépare un salon, je cours après mes dernières newsletters, posts, appels pour l’organisation, les motos qui doivent arriver sur place, mes derniers kakémonos... Par contre, la semaine dernière j'étais en essai pour le dernier Ducati Diavel V4, on a fait du contenu photos, vidéos, puis je me suis occupée du montage, des articles et des équipements que je testais pour Motoblouz. Je peux me retrouver à faire de la relecture pour mon livre, de la prospection afin d’appeler des concessionnaires, des potentiels boutiques… J'ai des journées qui ne se ressemblent jamais, c'est un gros challenge au quotidien. Ça demande beaucoup de temps et de sacrifices sur ma vie personnelle, aujourd'hui, à 30 ans, on réfléchit plus à son bébé en termes de société qu’à sa carrière et son épanouissement.

5/ Est-ce que vous faites encore des compétitions comme vous le faisiez auparavant ?

Alors, j'ai fait en 2019 ma première saison de compétition en Women’s Cup, le championnat de France 100% féminin qui aide les femmes à se lancer dans la compétition avec beaucoup moins de craintes que contre des hommes directement. C’est une année où je me suis énormément blessée, et j'ai mis un an à me remettre sur circuit avec le Covid. Quand j’ai repris, j’ai fait encore des meilleurs chronos qu’avant. Donc j’ai foncé à l’Ultimate Cup Moto, une compétition mixte, où j'ai terminé dans les dernières. Très sincèrement je le savais, et puis j'avais peur, c'était ma première compétition mixte et je l’ai subie. Moi je suis compétitrice dans l'âme en termes de challenge, contre moi-même, mais j'ai remarqué que j'avais du mal avec la compétition contre les autres. J’ai mal vécu cette ambiance très éloignée de mes journées de roulage sur circuit entre amis, partagées avec des barbecues et des fous rire. Donc, j'ai fait le choix d'arrêter la compétition parce qu’avec le lancement de mon activité, très clairement je n’ai plus le temps. Par contre, j'aimerais beaucoup l'année prochaine suivre des écuries, me remettre dans la compétition, mais différemment, sous forme de petit récit tout au long de l'année en suivant une femme, pourquoi pas de moto GP, pour montrer comment ça se passe.

6/ Est-ce que vous auriez une anecdote à nous raconter ?

Alors mon meilleur souvenir en moto, c'est vraiment ma compétition en 2019 à Magny-Cours, où j'ai terminé dans le top 10 de la catégorie 600. J’ai passé le drapeau en pleurant, en bataillant pour garder ma place tout au long de la compétition. J'ai fini tétanisée, crispée, on a dû m’enlever les doigts de la moto, j’en ai pleuré de bonheur d'avoir réussi. Sinon la première fois de ma vie où j'ai fait une journée presse, où j'ai été invitée par Ducati France en tant que petite bloggeuse à l'époque. Les autres journalistes avec de nombreuses années d’expérience moto et ne comprenaient pas ce que je faisais là avec mes 2 ans de permis moto. J'ai passé une journée horrible, avoir l'impression qu'on m'attendait, qu'on me jugeait… on a fini dans le froid, la pluie, la nuit dans les routes de montagnes. Je me suis enfermée dans la chambre d'hôtel, j'avais honte et plus envie de descendre. Et au final le lendemain, j'ai relativisé et j'en ai fait une force, en me disant « tu vas en redemander du challenge et tu vas faire le plus d'essais presse possibles ». Et par exemple, y a 3 semaines j'étais au Portugal pour Honda, sans aucun souci pour suivre le rythme. 

7/ Face à quels défis avez-vous du faire face en tant que femme motarde et entrepreneuse dans ce milieu traditionnellement masculin ?

Au début de mon blog, j’avais peu d’expérience moto mais le look d’une femme très féminine (ce que je suis encore aujourd’hui). Une nana qui même sous le casque se maquille, met des boucles d'oreilles, fait attention à son style… En prenant la parole sur les réseaux sociaux dans ce milieu, j’ai été confrontée à des gens qui me regardaient avec beaucoup de malveillance, en m’assimilant aux contenus stéréotypés de bimbo d’Instagram. Il a vraiment fallu que je me fasse violence pour asseoir ma crédibilité et faire attention à comment je prenais la parole dans tout ce que je faisais, c’était vraiment mon plus gros défi. Je ne voulais pas passer pour une mauvaise féministe, c'était plutôt « laissez-nous, les femmes, essayer de faire quelque chose, pour qu’on se comprenne entre nous et qu'on s’aide ». Et sans prétention, je pense pouvoir dire que j'ai été une des premières femmes, dans le milieu du circuit à être sur les réseaux. Beaucoup ont vu ça d'un très bon œil ou ont changé d'avis et aujourd'hui, que je n’étais pas « qu'une nana qui venait que pour se montrer ». C'est mon défi de tous les jours et surtout d’essayer de se foutre de ce que les gens pensent. Et aujourd'hui, je suis très contente d'avoir persisté, d’avoir transmis ma passion, mon vécue à des femmes et des hommes qui s’y sont également mis grâce à cela.

8/ Quelle est la chose dont vous êtes la plus fière dans votre carrière ?

La chose dont je suis le plus fière c'est mon livre, qui va s'appeler « Talons et guidon, le guide pour devenir motarde », la grande concrétisation de tout ce que je fais depuis 2016. Je pense que je vais pleurer quand je l’aurais entre les mains. Il va s'adresser principalement aux femmes débutantes qui n'ont pas les clés pour se lancer à la moto ou à d'autres disciplines, de plus grosses motos... L'idée c'est d’avoir les clés pour réussir et de se dire que tout est possible. J'étais déjà très fière de mon jeu apéro « Ride Trippers », de culture générale sur la moto, que j'ai fait seule, sans maison d'édition, c’était vraiment un challenge de A à Z, de trouver un concept, un nom, un logo, de créer toutes les cartes, se cultiver en même temps, parce que c'est des quizz de culture générale de la moto. Pour mon livre, tout est parti de mon blog... Je l’ai créé en me disant que si une personne commençait la moto grâce à moi, ça serait ma plus grande fierté.

Et 9 ans après, c'est de savoir qu'il y a des gens qui se sont lancés, se sont mis à la piste alors qu'ils avaient peur parce qu’ils ont lu à un moment donné mon blog. Encore hier, un monsieur, qui m'écrit depuis presque 8 mois, qui a galéré à passer son plateau, m’a dit « je l'ai eu, merci, c'est grâce à toi » ! 

9/ Quelles sont, selon vous, les principaux freins des femmes qui veulent commencer la moto ?

Pour moi le frein, c'est la peur de pas y arriver, de ne pas savoir manier une moto, de se blesser… Et pour ça, elles peuvent se faire coacher, prendre des cours. Il n’y a jamais de crainte, moi encore j'envisage de faire une journée d’enduro pour me challenger sur le TT. On apprend toujours de toute façon ! Moi j'ai vécu une séparation il y a 2 ans et donc ma première sur circuit solo où je ne connaissais personne. Quand on arrive seule devant sa remorque, qu'il faut décharger, on se rend très vite compte que c'est un milieu où il y aura toujours quelqu'un pour nous aider. Le vrai challenge des femmes, c'est d'arrêter de se poser des questions !

10/ Quel message aimeriez-vous faire passer aux femmes qui aimeraient faire de la moto ? 

De s'écouter. De se faire confiance et de se dire que, à partir du moment où le cœur est là où l'envie est, tout est à portée de main !

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Crédits Photo : @talons_et_guidon_bikegirl

Où retrouver @Alyson Aigrain ?

Un grand merci à Alyson d’avoir accepté de participer à ce projet #PortraitsdeMotardes et de nous avoir fait confiance pour raconter son parcours qui en inspirera plus d’une !